Harmonisation des règles applicables en matière de prix de transfert : Ce que prévoit la CEDEAO*

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a émis la Directive C/DIR du 6/07/23 portant harmonisation des règles applicables au prix de transfert au sein des Etats membres de la CEDEAO.

Cette harmonisation porte sur trois (3) axes principaux notamment le principe de pleine concurrence, la documentation des prix de transfert et, l’établissement d’une déclaration annuelle des Prix de Transfert.

La Directive vient affirmer l’intérêt croissant des Etats sur la question des prix de transfert et, s’inscrit dans la droite ligne des réformes de l’OCDE en la matière.  Les Etats membres de la CEDEAO ont jusqu’au 31 décembre 2026, afin de les insérer dans leur dispositif légal interne.

De façon plus concrète, de quoi s’agit-il ?

Le principe de pleine concurrence

Lorsque des entreprises dépendantes ou contrôlées sont dans leurs relations commerciales ou financières liées par des conditions qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui auraient été réalisés par l’une des entreprises mais qui n’ont pas pu l’être en raison de ces conditions, doivent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.

Opérations concernées

Les opérations concernées par le principe de pleine concurrence sont les transactions réalisées entre entreprises liées dont l’une est située dans un Etat membre et l’autre hors de cet Etat membre. Sont aussi concernées,  les transactions réalisées entre des entreprises liées situées dans un même Etat membre.

Notion de dépendance et de contrôle

Au sens de la Directive, une entreprise participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une autre entreprise lorsqu’elle :

  • Possède une part significative du capital social ou des droits de vote d’une autre entreprise telle que définie par chaque Etat membre ;
  • Exerce sur celle-ci un pouvoir de décision, de contrôle, de gestion ou est en mesure d’influencer ses décisions.

L’article 175 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE apporte des précisions sur la proportion de parts sociales ou de droit de vote requise pour apprécier le caractère d’entreprise dépendante ou contrôlée.

En effet, une personne physique ou morale est présumée détenir le contrôle d’une société lorsqu’elle détient directement ou indirectement ou par personnes interposées, plus de la moitié des droits de vote d’une société

Charge de la preuve de la conformité au principe de pleine concurrence

S’agissant de la documentation des prix de transfert, la preuve de la conformité au principe de pleine concurrence des prix, termes et conditions des transactions réalisées entre entreprises liées est à la charge des entreprises concernées.

Quant au cadre de contrôle des transactions, la preuve de la non-conformité des transactions contrôlées au principe de pleine concurrence incombe à l’administration fiscale.

La documentation des prix de transfert

Contenu

Au sens de la Directive, la documentation des prix de transfert doit inclure un fichier principal et un fichier local. La composition de ces différents fichiers y est spécifiquement définie.

Entreprises concernées

Les entreprises assujetties à la production de la documentation des prix de transfert doivent satisfaire aux conditions ci-après définies :

  • Avoir un chiffre d’affaires annuel hors taxes ou actif brut supérieur ou égal à un montant défini par chaque Etat membre.
  • Détenir à la clôture de l’exercice une part significative du capital social ou des droits de vote d’une entreprise remplissant la première condition ou, si une part significative de son capital social ou de ses droits de vote est détenu à la clôture de l’exercice par une entreprise remplissant la première condition.

Pour rappel, en Côte d’Ivoire, le fichier local et le fichier principal ont été introduits par l’article 12 de l’annexe fiscale 2023 dans l’ordonnancement fiscal ivoirien.

Selon l’article 36 ter du CGI, les personnes concernées par la production de la documentation sont notamment des personnes morales établies en Côte d’Ivoire relevant de la Direction des grandes Entreprises ou de la Direction des moyennes Entreprises et qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de Côte d’Ivoire.

En outre, les entreprises concernées sont celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel toutes taxes comprises supérieur à cinq cent millions (500 000 000) de francs CFA.

Date de communication de la documentation et sanctions

Ces deux points sont laissés à la libre appréciation de chacun des Etats membres.

La déclaration annuelle des prix de transfert

Contenu

Certaines entreprises installées dans l’un des Etats membres de la CEDEAO doivent produire une déclaration annuelle des prix de transfert qui contient principalement les informations générales sur le groupe d’entreprises multinationales auquel l’entreprise déclarante appartient et, des informations spécifiques concernant l’entreprise déclarante.

Entreprises concernées

Au sens de la Directive, sont concernées, les entreprises qui :

  • Dépendent ou possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de l’un des Etats membres de la CEDEAO et qui,
  • Réalisent un chiffre d’Affaires annuel Hors Taxes ou un actif brut dont le seuil est défini dans le dispositif interne.

Date de dépôt et sanctions

Ces deux points sont laissés à la libre appréciation de chacun des Etats membres.

 En Côte d’Ivoire, la déclaration est transmise à l’Administration fiscale, en même temps que les états financiers.

Quant aux sanctions, la non-production de la déclaration est sanctionnée par le rejet comme charges déductibles, des sommes inscrites en comptabilité au titre des opérations réalisées avec les entreprises associées et par une amende de trois millions (3 000 000) de francs CFA. L’amende est majorée de cent mille (100 000) francs CFA par mois ou fraction de mois de retard supplémentaire.

Auteur:

Me Jean-François ZOUKOUA

Conseil Juridique et Fiscal Agréé